Dans ce quartier situé au nord-est de la Cité-Etat, le temps semble s’être arrêté.

Lorong Buangkok est le dernier « kampong » de Singapour. De ce village des années 1960, il ne reste qu’une dizaine de maisonnettes en bois et au toit de tôles, le long d’un étroit sentier de terre.

Une atmosphère rurale et presque charmante y règne encore alors qu’à quelques centaines de mètres de là, les grues et les engins s’agitent pour faire sortir de terre des immeubles dignes d’un Singapour plus moderne.

 

Marina Bay Sand

L’hôtel Marina Bay Sands vu des jardins de Gardens by the bay. ©Colombe Prins

Consultante en Feng Shui depuis 2010, Claire Saint-Jean a toujours été passionnée par cet art chinois. En 2013, elle s’installe à Singapour et s’intéresse de plus près à l’architecture de la Cité-Etat.

 

D’abord qu’est-ce que le Feng Shui ?

Littéralement, « Feng » signifie vent et « Shui » eau. Pour les habitants de la Chine ancienne, ces éléments naturels matérialisaient l’énergie du ciel et de la terre. En mouvement, cette énergie est bénéfique. Excessive ou stagnante, elle peut devenir négative. Le Feng Shui est un art millénaire, taoïste, au même titre que la médecine traditionnelle chinoise ou l’acupuncture. Il peut être considéré comme une médecine de l’habitat visant à harmoniser l’énergie environnementale d’un lieu de manière à favoriser la santé, le bien-être et la prospérité de ses occupants. Le Feng Shui vise ainsi à agencer les habitations en fonction des flux visibles -les cours d’eau- et invisibles -les vents- pour obtenir un équilibre des forces et une circulation de l’énergie environnante : le « Qi »  (prononcé « chi »).

 

D’un point de vue architectural, Singapour est-elle une ville construite selon les principes du Feng Shui ? 

On peut dire que les constructions les plus récentes font appel aux principes du Feng Shui comme Marina Barrage ou Suntec City et sa « fontaine de la richesse ». D’autres, comme le Fullerton Hotel, ont été rénovées selon des principes Feng Shui. Mais par exemple, il n’y a pas de consensus autour du Marina Bay Sands, les avis des maîtres Feng Shui singapouriens divergent notamment au sujet de la piscine posée sur le toit de l’hôtel qui, pour certains, constituerait de l’eau en suspension en haut d’un bâtiment. Pour ma part, je pense que le Marina Bay Sands est une construction auspicieuse car sa forme peut faire penser à une porte ou à une montagne qui protège le quartier financier et amène richesse et prospérité.

Quels sont les endroits les plus Feng Shui de Singapour ? Et pour quelles raisons ?

On ne peut jamais dire d’un endroit qu’il est Feng Shui ou qu’il ne l’est pas car il n’y a pas d’absolu en Feng Shui. Tout est toujours en mouvement et suit le rythme des saisons et des astres. Le Feng Shui est intimement lié à la fois à un lieu et à un temps donné : un lieu peut avoir une énergie « Qi » bénéfique pendant une certaine période de temps et ensuite passer dans une configuration moins bénéfique. Le seul contre-exemple à avoir résisté au temps est celui de la Cité Interdite à Pékin. Mais l’un des endroits les plus Feng Shui à Singapour est sans doute la Marina, avec le ArtScience Museum en forme de fleur de lotus qui peut aussi représenter une main ouverte, les trois dômes du centre commercial The Shoppes dont la forme rappelle la carapace de la tortue -un animal symbolique du Feng Shui- et le Marina Bay Sands, gardien protecteur de Singapour.

A l’inverse, existe-t-il des constructions non Feng Shui ?

Oui, les Gateway buildings sont un exemple remarquable de construction non Feng Shui. Situés en face de Parkview Square, près de la station de métro Bugis, ce sont des bâtiments dont les angles évoquent fortement des lames de rasoir. Pas besoin d’avoir étudié le Feng Shui pour remarquer tout de suite la forme pointue et agressive des angles des bâtiments, qui peuvent aussi faire penser à des flèches. Ce qu’en Feng Shui on nomme le « Sha Qi », qui peut être traduit par « Qi néfaste ». Personne n’aurait envie de se mettre face à une flèche ou une lame de rasoir, à une quelconque arme pointue ! Wheelock place est considéré également comme un autre bâtiment non Feng Shui à Singapour, non propice à la prospérité financière des commerces qui y ont élu résidence.

Pour les Singapouriens, le Feng Shui est-il une réalité quotidienne qu’ils appliquent et pratiquent ?

J’ai rencontré beaucoup de Singapouriens qui ne connaissaient pas ou peu le Feng Shui malgré leurs origines chinoises, et pour lesquels cela relevait de la superstition et des croyances qui ne peuvent être acceptées et aller de pair avec leur religion. A l’inverse, d’autres sont de fervents adeptes et allient une connaissance approfondie de l’astrologie chinoise aux principes du Feng Shui pour s’assurer harmonie et prospérité. Il y a aussi beaucoup de Feng Shui « folklorique » avec l’utilisation de nombreux objets censés apporter la bonne fortune.

Selon vous, Singapour est-elle une ville où il fait bon vivre ?

Pour moi, Singapour donne en apparence l’impression d’une ville construite pour assurer sa réussite économique et sa prospérité matérielle. Les réseaux de circulation (routes, transports) fonctionnent bien et favorisent la fluidité des échanges, comme les artères du corps humain favorisent le transport du sang. Le décor est plaisant et semble Feng Shui. Mais si l’on regarde de plus près, le mode de vie singapourien consiste à travailler dans des tours élevées, à déjeuner dans des food courts en sous-sol, à passer ses week-ends enfermé dans des centres commerciaux et à vivre en hauteur dans des HDB ou des condominiums. Je trouve cela assez déshumanisant parce que plus vous vivez haut et plus vous êtes déconnecté de la terre dont vous ne recevez plus l’énergie. L’être humain a toujours besoin d’un équilibre entre les énergies contraires et complémentaires du ciel et de la terre. Nous sommes faits pour être exposés à l’environnement naturel, c’est-à-dire à la lumière du soleil, au vent, à la pluie… A Singapour, je trouve qu’on est assez coupé de notre base, la nature. Moi, j’ai par exemple besoin très régulièrement d’aller me ressourcer au réservoir Mac Ritchie ou au parc du Botanic Gardens, mais que je trouve déjà un peu trop civilisé…

Pour en savoir plus sur Claire Saint-Jean:

http://bodyhometherapy.com

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Singapour et ses gratte-ciel. ©Colombe Prins

Selon un classement réalisé chaque année par le site Internet de Lonely Planet, Singapour succède au Brésil et apparaît en tête des dix pays à visiter l’année prochaine. Pour ce guide touristique, les festivités prévues pour le cinquantième anniversaire de l’indépendance de la Cité-Etat devraient donner envie aux voyageurs de se rendre à Singapour en 2015. « Si ses gratte-ciel, ses hawker centres (espaces regroupant des restaurants de rue) animés, ses parcs luxuriants et ses centres commerciaux rutilants attirent les voyageurs depuis longtemps, les aménagements apportés récemment à la ville ouvrent encore de nouvelles perspectives », explique le spécialiste du voyage annonçant notamment l’inauguration de la National Art Gallery.

Singapour est aussi la première destination en Asie préférée des expatriés et la seconde dans le monde derrière la Suisse mais devant la Chine, l’Allemagne et Bahreïn, selon une étude HSBC Expat Explorer publiée ce mois-ci. La France occupe quant à elle la 23ème place. L’enquête révèle que « Singapour apporte aux expatriés une bonne progression de carrière, un confort financier et une qualité de vie ». Et même si le coût de la vie y est cher, la Cité-Etat est considérée par les expatriés comme un cadre agréable pour élever ses enfants. En 2013, Singapour figurait à la 6ème place de ce classement.