Archive d’étiquettes pour : Singapourien

Dans son bureau de Woodlands où sont entreposés quelques fauteuils roulants et déambulateurs, Tommy Yu est au téléphone. Il est en train d’organiser la crémation du corps d’une femme décédée la veille.

Au mur, de nombreuses photos et des coupures de presse retracent le parcours de ce Singapourien qui depuis près de 40 ans s’occupe des personnes âgées, les « Old Folks » comme il aime les appeler. « Je ne sais faire que ça », explique modestement Tommy Yu qui à 54 ans, ne sait ni lire, ni écrire. 

Le jeune garçon bagarreur de Redhill -près de River Valley- qu’il était, quitte l’école à 14 ans et passe beaucoup de temps avec ses amis à jouer aux petits voyous. Un soir, ne pouvant plus supporter le bruit de plus en plus fort qui s’échappe du club à côté de chez lui, l’adolescent s’approche de l’endroit, prêt à se battre pour en finir comme il en avait l’habitude. Mais par la fenêtre, Tommy Yu aperçoit des personnes âgées en train de se divertir. Un monsieur lui ouvre la porte et l’invite à rentrer. Tommy Yu est étonné et fasciné de voir ces petits vieux s’amuser. Puis, un autre homme en colère frappe à la porte du « Bukit Merah Old Folk’s Club ». Tommy Yu s’approche alors et lui dit : « si tu veux te battre, frappe-moi d’abord ! »

« Depuis cet instant, raconte-t-il, je n’ai cessé de vouloir protéger les personnes âgées ». Et ce jusqu’à leur mort…

Il commence par aider les personnes du club à s’occuper des funérailles des gens seuls et pauvres. A l’époque, les femmes Samsui -des femmes célibataires venues de Chine pour travailler dès les années 1920 dans le secteur de la construction à Singapour, et reconnaissables à leur coiffe rigide rouge- quittent Chinatown et sont relocalisées à Bukit Merah, le quartier de Tommy Yu qui prend alors soin d’elles lors de leurs obsèques. « Et puis, au fur et à mesure, je me suis mis à le faire seul », confie Tommy Yu. 

En 1986, il fonde Luve -Love & Unity Volunteers Establishment- un mouvement qui vient en aide aux personnes âgées. En plus de se rendre au domicile de certains lorsqu’il les sait dans le besoin, Tommy Yu organise aussi avec une trentaine de volontaires des groupes de visites plusieurs soirs par semaine dans différents HDB de Tiong Bahru, Bukit Merah ou Redhill, ou même parfois des sorties. « Je veux encourager les personnes âgées à sortir de chez elles, si elles le peuvent, afin de rencontrer leurs voisins qui pourront les aider lorsqu’elles en auront besoin ou qui pourront m’appeler en cas de décès », explique Tommy Yu. 

Il monte aussi son entreprise de pompes funèbres. Avec l’argent qu’il gagne, il paie les obsèques des moins fortunés. En tout, ce sont environ 200 funérailles que Tommy Yu a organisées pro-bono. Pour lui, l’argent ne doit pas être un problème, ce qui compte c’est que ces défunts, sans moyen et sans famille quittent cette Terre dignement.

Tommy Yu organise la cérémonie en fonction des croyances ou non des personnes décédées et c’est avec beaucoup de respect qu’il les accompagne. A chaque fois, il loue le corbillard qu’il tient à fleurir pour le dernier voyage du défunt jusqu’au crématorium ou cimetière. Ensuite, il récupère les cendres, les enveloppe soigneusement de tissus et les dépose en bateau sur les flots, au large de Pulau Ubin.

Tommy Yu garde précieusement la montre de chaque défunt dont il s’est occupé. En souvenir, en mémoire… 

Certains le surnomment le Robin des bois des seniors à faible revenu. Mais pour lui, ce qui compte c’est d’aider ces êtres fragiles.

Le personnage de Tommy Yu a inspiré la Singapourienne Nicole Midori Woodford qui a réalisé en 2018 le court-métrage « Waiting room », présenté à 15 Shorts, une initiative cinématographique qui met en avant 15 belles histoires de Singapour.

Jeremy Tong devrait débuter l’ascension de l’Everest d’ici quelques jours pour devenir le plus jeune Singapourien à escalader le plus haut sommet du monde.

Le Printemps fleurit à peine au Népal mais avant que les pluies de la mousson estivale ne s’abattent sur l’Himalaya, Jeremy Tong s’apprête à gravir l’Everest. Le Singapourien de 27 ans, arrivé à Katmandou la semaine dernière, devrait commencer d’ici quelques jours son acclimatation à l’altitude puis son ascension si les conditions météorologiques le permettent. Il veut devenir le plus jeune Singapourien à escalader le plus haut sommet du monde.

Cette fois-ci, il est plus que jamais déterminé à atteindre le célèbre sommet qui culmine à 8.848 mètres d’altitude. En 2017, il avait du renoncer à seulement 150 mètres et 1h30 de l’arrivée sur le toit du monde, de peur de perdre ses orteils déjà engourdis par le froid.

Une intense préparation physique et mentale

Cette année, Jeremy Tong s’est entre autre équipé de semelles chauffantes à batterie qui devraient lui permettre de garder ses pieds au chaud malgré les températures extrêmes pouvant avoisiner les -45°C.

Jeremy Tong, surnommé Ah Tong, se prépare depuis de longs mois pour l’ascension de l’Everest, un rêve qu’il souhaite accomplir. ©Jeremy Tong Climbs

Il est aussi plus préparé mentalement qu’il y a deux ans. Jeremy Tong a su transformer cette expérience malheureuse de 2017 en un succès : il en est revenu en vie. Ce qui n’a malheureusement pas été le cas de cette personne dont il a vu le corps inerte allongé à quelques centimètres de lui, lorsqu’il était à plus de 8.000 mètres d’altitude.

« J’étais sous le choc mais ma peur ne devait pas prendre le dessus, je devais rester concentré »

Jeremy Tong, aussi surnommé Ah Tong

Grimper l’Everest c’est son rêve! Et rien, ni personne ne peut l’en empêcher, pas même la naissance de son fils, il y a un mois.

En 2017, Jeremy Tong fait partie de l’équipe singapourienne NTU-NIE (Nanyang Technological University – National Institute of Education) et tente pour la première fois l’ascension de l’Everest mais il devra renoncer à quelques centaines de mètres du sommet.

L’escalade, une passion

C’est aussi un rêve de gosse. C’est à l’âge de 14 ans que Jeremy Tong a escaladé sa première montagne, le Mont Ophir en Malaisie. Depuis, l’escalade est devenue sa passion et même son métier. Après des études spécialisées dans les sciences du Sport et le management à la Nanyang Technological University of Singapore, il décide de devenir guide et d’organiser des treaks ou des ascensions pour d’autres. Il est aussi consultant et propose des séances de team building pour les entreprises.

« L’escalade est un sport unique, qui nous incite à repousser les limites, en prenant des décisions difficiles, mais la vie ce sont aussi des décisions difficiles ». 

Au total, le jeune homme a déjà grimpé 43 montagnes et atteint les sommets de 36 d’entre elles. Le Kilimandjaro qu’il a monté deux fois, n’a plus de secret pour lui. 

Lors de ses ascensions, Jeremy Tong est méticuleux. La sécurité est sa priorité. ©Jeremy Tong Clims

« Lorsque je sens que je veux abandonner, je me dis ‘’encore un pas, n’arrête pas’’ et je me rappelle mon moto ‘’l’esprit est plus fort que mon corps’’ ».

A Singapour, Jeremy Tong a su trouver une façon de s’entraîner. Il court beaucoup et monte dix à quinze fois de suite les escaliers d’un immeuble de 31 étages, avec un sac à dos de 15 kg sur son dos, et ce deux fois par semaine. 

Jeremy Tong s’est envolé la semaine dernière pour le Népal, en gardant à l’esprit sa priorité, la sécurité avant tout.

« Je dois vraiment faire attention à chaque pas, jour et nuit, et être précis : clipper (le mousqueton, ndlr) et avancer ».

Jeremy Tong souhaite également cette année venir en aide aux enfants atteints de cancer. Il a décidé de soutenir la Children’s Cancer Foundation pour laquelle il espère lever 15.000 SGD. Il y a deux ans, il avait réussi à récolter 13.000 SGD pour la Singapore Cancer Society.

Thaipusam est une fête hindoue célébrée aujourd’hui à Singapour et en Malaisie, au cours de laquelle les fidèles rendent grâce au Dieu Murugan. Depuis 20 ans, Shanmugam, un Singapourien de 37 ans participe à ce pèlerinage. REPORTAGE

Du temple Sri Srinivasa Perumal, situé sur Serangoon Road, en plein cœur de Little India, s’échappe dans la nuit claire, une musique envoûtante et rythmée qui annonce les célébrations de Thaipusam. 

Célébré le jour de la pleine lune du mois « Thai » dans la calendrier tamoul (entre janvier et février en fonction des années), Thaipusam est une fête hindoue au cours de laquelle les fidèles rendent grâce au Dieu Murugan, fils de Shiva et de Parvati. Pour l’occasion, les croyants remercient ce Dieu de la Guerre, de toutes les bénédictions qu’ils ont reçues pendant l’année, en prenant part à une procession de 4km en direction du temple de Tank Road, Sri Thendayuthapani. 

Ce rituel religieux qui devrait attirer près de 20.000 personnes aujourd’hui à Singapour, est impressionnant par les souffrances que s’infligent certains pèlerins. 

Il est 3 heures du matin, cette nuit, quand Shanmugam, vêtu d’un linge orange, commence à prier devant son petit autel improvisé et dressé pour l’occasion dans un coin du temple. A ses côtés, d’autres fidèles observent le même rituel.

Ce Singapourien de 37 ans se prépare à s’accrocher à même la peau, le kavadi, une structure en métal d’une trentaine de kilos ornée de décorations en l’honneur du Dieu Murugan qui représente la vertue, le pouvoir et la jeunesse. C’est Shanmugam lui-même qui a acheté il y a quelques années ce kavadi considéré comme un petit sanctuaire divin, pour un montant de 11.000 SGD environ. 

Ce kavadi décoré en l’honneur du Dieu Murugan est en métal et pèse une trentaine de kilos. ©Colombe Prins

Il est entouré de sa famille et d’une quinzaine d’amis venus l’encourager et le supporter durant cette épreuve. A sa demande, sa garde rapprochée porte les mêmes couleurs de vêtements : les femmes ont de jolies robes rose fushia tandis que les hommes sont vêtus d’une chemise rose et d’un dhoti gris, le pantalon traditionnel indien. Un percussionniste et un flutiste s’installent à ses côtés. La musique commence. Le rituel continue. Un homme -un spécialiste- s’approche de Shanmugam et lui transperce la peau pour fixer avec des broches et des piques la structure du kavadi. Au total, 108 trous sur le torse, le dos, les hanches, le bas-ventre, la bouche, le front, les bras et les cuisses. Ces blessures cicatriseront d’ici 2 jours pour les plus petites et 15 jours pour les plus grosses. 

Depuis une semaine, Shanmugam se prépare physiquement et mentalement à cette épreuve religieuse. Il suit un régime végétarien, fortement conseillé afin d’éviter tout saignement. Il se rend au temple deux fois par jour, tous les jours pour prier et dort par terre, sur un drap pour renoncer le temps de cette préparation à tout luxe et confort moderne.

Au total, 108 trous sont nécessaires pour fixer la structure du kavadi à même la peau de Shanmugam. ©Colombe Prins

C’est à 16 ans, l’âge minimum autorisé pour être percé, que Shanmugam a commencé à célébrer Thaipusam. Mais « chaque année est une nouvelle expérience », confie-t-il. « La douleur est supportable mais j’essaie de ne pas y penser, je la prends comme elle vient, je prie Dieu et me concentre sur la procession, en ayant hâte de retrouver ma famille et mes amis », explique-t-il.

Il est 4 heures 30, lorsque Shanmugam quitte le temple de Serangoon Road, suivi de ses proches qui sont très attentionnés à son égard. Dans la rue, la musique s’arrête car il est encore trop tôt. Cette année, pour la première fois depuis 1973, les instruments à percussion sont autorisés, mais seulement entre 7 heures et 22 heures 30.

Shanmugam marche relativement vite malgré la lourde charge qu’il porte, et danse parfois sur lui-même. Il suit un cortège de fidèles. Certains ont des jarres remplies de lait -en offrande au Dieu Murugan-, d’autres s’accrochent avec des hameçons des citrons sur le dos en signe de purification ou d’autres encore traînent des chars attachés à leur dos avec des crochets en métal. Jusqu’à ce soir, les croyants défileront le long du parcours.

Dans la dernière ligne droite, la procession ralentit. Des chanteurs rejoignent le groupe et entonnent des chansons. Shanmugam danse et tournoie alors jusqu’à son arrivée – à 6 heures du matin- au temple Sri Thendayuthapani. Il chausse pour pénétrer à l’intérieur du temple de Tank Road des semelles à clous qu’il retire aussitôt.

Après une dernière danse devant l’autel, il se dirige à l’extérieur pour se défaire, avec l’aide de ses amis, de son lourd fardeau de métal. C’est la dernière épreuve physique pour Shanmugam. Sa fille de 9 ans, est à ses côtés et lui caresse la main. Shanmugam lui sourit avec les yeux car sa bouche est encore fermée avec des piques placées en forme de croix.

Une fois libéré de son kavadi, il s’assoie quelques instants pour retrouver ses esprits. Il est fatigué. Shanmugam enfile sa chemise rose et son dhoti gris. Avec tous ses proches, ils apportent à l’intérieur du temple, le plateau d’offrandes ainsi que les jarres remplies de lait et d’eau de rose. Tous ensemble, ils prient et attendent de recevoir des cendres grises dans un pot en métal.

Après la longue procession de 4km, Shanmugam est libéré de son kavadi et prie devant l’autel de Murugan. ©Colombe Prins

Puis, tandis que certains démontent soigneusement le kavadi, d’autres préparent des sacs avec des repas déjà cuisinés qu’ils vont distribuer en cadeau aux autres fidèles. Quant à Shanmugam, il pense déjà à retourner au temple Sri Srinivasa Perumal pour soutenir ses autres amis qui commenceront leur procession un peu plus tard dans la journée. Et peut-être ira-t-il aussi travailler comme si de rien n’était, dans sa propre entreprise de logistique, comme il avait l’intention de le faire avant le pèlerinage ?

Le chef Justin Quek © Justin Quek Martell

Le chef Justin Quek, à la tête du restaurant Sky on 57 © Justin Quek – Martell

Justin Quek aime mélanger les genres et c’est avec audace qu’il travaille les saveurs asiatiques avec les techniques culinaires françaises. Depuis 2010, le chef singapourien reconnu dans toute l’Asie dirige le restaurant Sky on 57 situé au dernier étage du Marina Bay Sands. L’établissement réputé pour sa vue panoramique est une grosse machine de 45 cuisiniers qui sert près de 600 couverts chaque jour. Mais avant d’avoir la tête dans les nuages au 57ème étage du plus célèbre hôtel de Singapour, c’est dans les calles de bateaux, trente ans plus tôt que le jeune Justin Quek a fait ses débuts en cuisine.

Lui qui a grandi dans le quartier de Queen Street où ses parents ont un étal de fruits, a des envies d’ailleurs. Alors après son service militaire, le jeune homme issu d’une famille nombreuse postule comme steward à bord d’un gros bateau de commerce. Derrière les fourneaux, il apprend à préparer des pâtisseries ainsi que quelques plats chinois. A chaque escale, il en profite aussi pour découvrir les spécialités locales : les pizzas en Italie, les tortillas au Mexique et le tofu en Chine.

Un détour par la France

De retour à Singapour, Justin Quek, 23 ans et les cheveux longs, est embauché par l’Oriental Hotel qui lui finance également une formation culinaire. Après une expérience à Bangkok, l’apprenti cuisinier rejoint à Singapour le restaurant Fourchettes dirigé par Bertrand Langlet. Ce chef français qui sera l’un de ses mentors lui conseille d’aller travailler en France, alors pendant près d’un an, Justin Quek prend des cours de français à l’Alliance Française. A 29 ans, le Singapourien qui vient de dépenser toutes ses économies pour financer son voyage, arrive à Paris, plein d’énergie et prêt à tout apprendre. De cette formation aux côtés de grands chefs cuisiniers français tels que Christian Constant, Jean Bardet et Roland Mazère, le jeune Justin Quek s’imprègne de leurs techniques culinaires mais retient surtout l’importance d’utiliser des bons produits, de saison. Il découvre la Vallée de la Loire et le canard de Challans, le Périgord et la truffe.

Sa carte de séjour arrivant à expiration, il retrouve sa Cité-Etat et devient le premier chef cuisinier asiatique de l’Ambassade de France à Singapour.

 

Une notoriété asiatique

Justin Quek se lance ensuite dans une nouvelle aventure et ouvre en 1994 avec un ami leur premier restaurant dénommé Les Amis à juste titre. C’est ensuite à Taipei et à Shanghai que Justin Quek lance deux nouveaux établissements La Petite Cuisine et Le Platane. Depuis près de 6 ans, il est à la tête du Sky on 57, restaurant moderne et sophistiqué dont l’emplacement lui confère une grande notoriété. Justin Quek vient également de lancer une gamme de sauces aux saveurs asiatiques sous la marque JQ.

Celui qu’on surnomme en cuisine le « Typhon » est à la fois strict et généreux dans sa façon de transmettre son savoir-faire. Et c’est avec fierté qu’il prépare pendant plus de 20 ans le dîner d’anniversaire de l’ancien Premier ministre Lee Kuan Yew.

Les obsèques de Lee Kuan Yew ont eu lieu dimanche dernier.

Malgré la pluie, plus de 100.000 personnes sont venues dans les rues, saluer une dernière fois la mémoire du père fondateur de la Cité-Etat. Le cortège funéraire a parcouru une quinzaine de kilomètres à travers la ville, avant de se rendre sur les lieux de la cérémonie, situés au Centre Culturel Universitaire dans l’enceinte de l’Université Nationale de Singapour. Tout le long, les drapeaux nationaux accrochés aux barrières de sécurité, ont balisé le parcours.

Le convoi est passé devant plusieurs bâtiments historiques et symboliques de l’ère Lee Kuan Yew : comme devant le vieux Parlement où il a été élu député en 1955, le City Hall d’où il a publié la déclaration d’indépendance de Singapour, le Padang où a eu lieu la première parade nationale le 9 août 1966 ou encore devant de nombreux immeubles HDB (Housing and Development Board) dont la construction a été l’une des premières mesures phares mises en place, permettant aux Singapouriens de devenir propriétaires de leur logement.

L’instant solennel a été notamment marqué par les 21 coups de canon tirés et par le survol de 4 avions F-16 de la Black Knights, la patrouille acrobatique de la force aérienne de Singapour, en hommage à l’ancien Premier ministre.

A l’approche du cortège, la foule a scandé le nom de Lee Kuan Yew et beaucoup ont été pris d’émotion. Les adieux à celui qui a dirigé le pays pendant plus de trente ans semblent difficiles.

Durant la semaine de deuil national qui a précédé les funérailles, les Singapouriens n’ont cessé de multiplier les marques de respect et de reconnaissance à l’égard de l’ancien dirigeant décédé à l’âge de 91 ans. Fleurs, dessins, portraits ou cartes à l’attention de Lee Kuan Yew, les gestes de gratitude n’ont pas manqué, pour remercier celui qui a construit et pensé le Singapour moderne. Environ 1,5 million de personnes sont ainsi venues lui rendre hommage, devant sa dépouille présentée au Parlement ou dans les 18 « community clubs » répartis un peu partout sur l’île.

Retour donc en images sur une semaine de deuil national.

Chun See Lam, fondateur du blog Good Morning Yesterday. ©Colombe Prins

Chun See Lam, fondateur du blog Good Morning Yesterday. ©Colombe Prins

Paul Anka n’est pas forcément son chanteur préféré mais Chun See Lam aime l’une de ses chansons « Times of your life », dans laquelle l’interprète avec son expression « Good morning Yesterday » met en garde contre le temps qui passe et les souvenirs qui filent. A 62 ans, Chun See Lam est nostalgique et aime à penser aux souvenirs de son enfance dans les années 1950 et 1960.

« Lors d’un voyage d’affaires au Myanmar en 2005, raconte-t-il, je partage avec un japonais un taxi qui nous conduit à l’aéroport. Sur la route, pour faire la conversation, je dis à ce passager que je trouve que Yangon (devenu Rangoon aujourd’hui, ndlr) ressemble à Singapour quand j’étais jeune, avec ses bâtiments de style colonial et ses vieux bus remplis. Mais le japonais, surpris, me répond ‘Singapour a donc du bien changer durant ces dernières décennies’. »

De retour chez lui, Chun See Lam décide de lancer son blog « Good morning Yesterday » pour raconter et faire revivre le « vieux Singapour » qu’il a connu. A l’époque, le consultant en management a 53 ans et est l’un des rares de sa génération à bloguer, mais il y prend goût, sans doute parce qu’il a toujours aimé écrire. Aujourd’hui, il s’amuse sur sa page Facebook Good morning Yesterday et partage avec ses 400 amis des photos d’époque.

Une enfance dans un kampong

Né en 1952, ce singapourien d’origine hongkongaise a grandi dans le petit village ou le kampong de Lorong Chuan, aujourd’hui traversé par la CTE (Central Expressway), l’autoroute centrale. A l’époque, il n’y a ni eau courante, ni électricité et un seau fait office de toilette. « On s’amusait beaucoup dans la jungle, on faisait des combats d’araignées et avec des catapultes on visait les oiseaux, raconte le bloggeur en souriant. Le soir, on allait au cinéma en plein air. La vie était vraiment tournée vers la nature, Singapour était vert et rural, ce qui est très différent aujourd’hui », regrette-t-il.

Son père travaille pour l’armée britannique mais Chun See Lam se souvient quant à lui de la première fois qu’il voit « de près » des européens. « On en voyait peu car il était rare qu’on se mélange », explique-t-il. « Un jour, lorsque je devais avoir 4 ou 5 ans, des chevaux montés par des caucasiens en promenade ont traversé le kampong, les chiens tout excités se sont mis à aboyer », raconte-t-il, les yeux encore pétillants.

Puis vient le temps de l’urbanisation et des immeubles HDB (Housing and Development Board). Le Singapour des années 1970 ne ressemble déjà plus à celui des années précédentes que chérit le bloggeur. En 1974, la famille Lam est contrainte d’emménager dans un appartement. « J’ai du me séparer de mes 3 chiens et moi qui avais l’habitude de vivre dans une maison ouverte, j’avais l’impression d’être enfermé dans cet appartement. »

Du blog au livre

Depuis dix ans, Good Morning Yesterday a acquis une certaine notoriété dans la blogosphère singapourienne. Chun See Lam partage avec les gens de sa génération tous ses souvenirs et ensemble ils se rappellent le bon vieux temps. Les lecteurs, qui sont essentiellement des singapouriens ou des anglais ayant vécu plus jeunes à Singapour, commentent les publications, envoient des photos ou donnent des précisions sur des lieux oubliés. De jolies histoires remontent à la surface et des amitiés virtuelles -mais pas uniquement- se créent entre bloggeurs.

Mais c’est aussi à la jeune génération que Chun See Lam veut s’adresser afin de leur raconter le Singapour d’avant, celui qui appartient déjà au passé et dont il ne reste que peu de traces.

Encouragé par l’un de ses trois enfants, il publie en 2012 « Good Morning Yesterday » dans lequel il retrace uniquement son enfance dans les années 1950 et 1960. Lui qui avait toujours voulu être écrivain, voit enfin son rêve se réaliser.