Ariane Nabarro est guide francophone à Singapour. ©Colombe de l'Epine.

Ariane Nabarro est guide touristique à Singapour. ©Colombe de l’Epine

 

Ariane Nabarro est installée à Singapour depuis 17 ans et nous confie la vision qu’elle a de ce pays. 

Quel regard portez-vous sur Singapour ?

C’est l’évolution de ce pays en 50 ans qui me touche. J’ai vu grandir ce pays qui est en perpétuelle mutation et soit on se met dans la mouvance, soit on reste en dehors. Le gouvernement avance et il avance vite. A partir du moment où il veut lancer un projet, il met tout en œuvre pour que cela réussisse et que la population l’accepte en s’appuyant sur les moyens de communication, la presse locale, les réseaux sociaux…

Les Singapouriens ont une capacité à s’adapter, à se remettre en question et à repérer ce qui se fait de bien chez les autres pour le refaire en mieux. Par exemple, l’île de Semakau qui sert à récupérer les cendres de nos ordures. Ils se sont notamment inspirés des Japonais pour concevoir l’île, construite à partir de deux petits îlots réunis grâce à l’enfouissement des déchets incinérés à Singapour et dont les cendres sont transportées par des barges électriques puis disposées en parcelles sur l’île. Mais le plus étonnant, c’est que la faune et la flore ont fait leur apparition avec des crustacés, des poissons, des algues dans la mer et il y a aussi des oiseaux qui viennent se poser dans ce havre de paix.

Les Singapouriens m’impressionnent aussi à concevoir des lieux où l’utile et l’agréable sont maximisés comme à Marina Bay.

Ils sont des champions de la reconversion. Par exemple, l’ancienne Cour Suprême –que j’ai connue en activité- et le City Hall vont bientôt devenir la National Art Gallery. Les bâtiments et les lieux ne disparaissent plus autant qu’avant. Le gouvernement a changé de politique. Il fut un temps où il détruisait pour rebâtir. Maintenant, il conserve certains monuments à condition que ces bâtiments puissent être utiles à une autre destination.

Je suis complètement portée par ce pays et je le porte aussi. Après avoir été guide bénévole dans les musées, pour les Friends of Museum, pendant plus de 15 ans, je suis devenue guide touristique agréée par le STB, Singapore Tourism Board, l’organisme national du tourisme. Je « vends » Singapour à qui veut m’entendre!

 

Qu’est-ce qui vous plaît à Singapour ?

En arrivant, j’ai été tout de suite très sensible aux différentes tonalités de vert qui existent à Singapour. La verdure est omniprésente. Il y en a même sur les murs et les balcons aujourd’hui. C’est incroyable de voir l’abondance de cette nature dans un si petit pays.

En terme d’honnêteté et de sécurité, Singapour est un pays hors-norme. En débarquant de l’avion en 1997, j’ai d’abord oublié ma caméra sur le comptoir de l’immigration à l’aéroport, lorsque je m’en suis rendue compte le soir, j’ai appelé et je l’ai retrouvée. Le lendemain, j’ai laissé mon sac à main dans les rayons d’un magasin, une heure après il était encore là. Il faut préciser que c’était ma toute première expatriation, que j’étais « bien enceinte » et que je ne savais pas ce qui m’attendait dans ce pays tout nouveau. Ici, je ne me méfie pas des gens, ils sont gentils. Je ne pense pas au danger et je n’ai pas peur que l’on me vole mon portefeuille ou mon sac.

Après tant d’années passées à Singapour, j’ai beaucoup de tendresse pour ce pays même si évidemment certaines choses m’agacent comme leur conduite. Ils ne sont pas sûrs d’eux mais roulent très vite malgré tout et ils ne sont pas capables de rester dans leur file. Le Singapourien a besoin d’au moins deux files pour conduire. Le pays est aussi très tourné vers l’argent. Ils boursicotent même dans les hawkers centers (lieu de restauration locale située en extérieur, ndlr). Et beaucoup de choses sont basées sur l’argent.

 

Qu’avez-vous appris à Singapour ?

Quand on s’est mis en tête qu’on vit dans un pays qui n’a que 50 ans, je trouve que l’on devient beaucoup plus tolérant car on n’a pas le même passé.

C’est un pays d’immigration. Tout a l’air très international mais c’est un vernis car chacun a amené sa culture et la garde. Ce qui est impressionnant dans ce pays, c’est qu’il y beaucoup de cultures et de religions différentes mais la population cohabite en harmonie : les personnes ne sont peut-être pas toujours sur la même longueur d’onde, mais elles se respectent.

Je trouve cela formidable d’essayer de se mettre à l’unisson et de vivre à l’heure singapourienne. Pour Deepavali, je sors les lumières et les bougies pour décorer ma maison, pour Chinese New Year, j’accroche les lanternes chinoises et je transforme tout en rouge et or…Il n’y a pas de saisons ici, ce sont donc les fêtes religieuses qui rythment ma vie. J’ai acquis une grande ouverture d’esprit à Singapour, j’ai des amies du monde entier et de toutes les religions dont j’aime la compagnie; j’apprends quotidiennement.

 

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« Rest in peace Mr. Lee Kuan Yew », peut-on lire sur des bouquets de fleurs déposés en hommage à l’ancien Premier ministre décédé cette nuit.

Aujourd’hui, Singapour est orpheline.

Le père fondateur de la Cité-Etat, Lee Kuan Yew, âgé de 91 ans, est décédé dans la nuit, au Singapore General Hospital, où il était hospitalisé pour une pneumonie depuis le 5 février dernier.

Son fils, l’actuel Premier ministre, a décrété une semaine de deuil national –jusqu’au 29 mars- en hommage à celui qui a gouverné le pays de 1959 à 1990.

Quelques heures seulement après l’annonce du décès de Lee Kuan Yew, de nombreux Singapouriens, émus, se rendaient déjà devant l’entrée principale de l’Istana, le palais présidentiel, pour présenter leurs condoléances, déposer des fleurs ou apporter des dessins, comme de multiples marques de respect à l’endroit du premier Premier ministre de Singapour.

Le site officiel, Remembering Lee Kuan Yew –www.rememberingleekuanyew.sg– qui retrace notamment la vie et la carrière politique du leader singapourien, vient d’être mis en ligne et offre également aux internautes la possibilité d’écrire un message d’adieu à l’ancien dirigeant.

Dans une allocution télévisée, le Premier ministre, Lee Hsien Loong, a rendu hommage ce matin, à celui qui « nous a inspirés, nous a donné du courage, nous a maintenus ensemble, et nous a conduits ici », a-t-il déclaré en s’adressant aux Singapouriens.

« Il s’est battu pour notre indépendance, a construit une nation là où il n’y en avait pas, et nous a rendus fiers d’être Singapouriens », a-t-il précisé avant d’ajouter « Lee Kuan Yew était Singapour ».

C’est en effet lui qui, en trente-et-un an, a transformé le pays densément boisé et nouvellement indépendant, en une société ultra-moderne, multiculturelle, à l’économie florissante.

Des hommages du monde entier

Aujourd’hui, les dirigeants du monde entier saluent l’homme d’Etat. « Il fut un vrai géant de l’histoire qui restera pour les générations à venir comme le père du Singapour moderne et comme l’un des grands stratèges des affaires asiatiques », a déclaré le président américain, Barack Obama. Pour le président chinois, Xi Jinping, Lee Kuan Yew « était largement respecté par la communauté internationale en tant que stratège et homme d’état ».

Dans un communiqué, le président français, François Hollande, a salué la mémoire d’un « homme d’Etat visionnaire, qui a su guider le développement remarquable de Singapour depuis son indépendance en 1965 ». Et d’ajouter, « alors que Singapour et la France célèbrent cette année le cinquantenaire de l’établissement de leurs relations diplomatiques, la France perd un ami, qui avait oeuvré au rapprochement entre nos deux pays et à l’approfondissement de nos coopérations dans tous les domaines ».

Une semaine de deuil national

Dès mercredi, la dépouille de Lee Kuan Yew, qui se trouve depuis cet après-midi à Sri Temasek, la résidence officielle du Premier ministre, située dans l’enceinte de l’Istana, devrait être présentée au public pendant quatre jours au Parlement.

Dimanche prochain, jour des funérailles nationales, une procession conduira le cortège funèbre à l’University Cultural Centre où seront notamment réunis la famille, le Président, Tony Tan Keng Yam, le Gouvernement, les membres du Parlement et les hauts fonctionnaires. Dans l’intimité, les proches devraient ensuite se rendre au crématorium de Mandai, dans le nord du pays.

En direction de Penang en Malaisie. ©Belmond

En direction de Penang en Malaisie. ©Belmond

C’est à la gare de Woodlands, au nord de Singapour, que les voyageurs embarquent à bord du train le plus luxueux d’Asie du Sud-Est pour un séjour de trois jours et deux nuits d’exception. Direction: Bangkok.

Les 22 wagons à la livrée verte de l’Eastern & Oriental Express se faufilent à travers plus de 2.000 km de paysages enchanteurs. D’abord, Singapour et ses gratte-ciels que l’on devine au loin, puis le détroit de Johor et la Malaisie où les immenses plantations de palmiers à huile jouxtent les forêts d’hévéas. La capitale moderne, Kuala Lumpur et sa gare à l’architecture mauresque forment un merveilleux contraste. Un peu plus loin, l’île de Penang au nord du pays et la Thaïlande enfin avec ses rizières et ses pagodes. La traversée du célèbre pont de la rivière Kwai pimente la fin de l’aventure avant l’arrivée à Bangkok.

Chaque année, près de 4.000 passagers, essentiellement des Anglais, des Américains et des Australiens, voyagent sur cette ligne qui fait tous les ans 45 à 50 trajets entre la Cité-Etat et la capitale thaïlandaise, soit entre 3 et 4 départs par mois selon la saison.

Un train aux allures d’Orient-Express

« Suite au succès du train Venice Simplon-Orient-Express qui relie Londres, Paris et Venise, l’idée est née dans les années 1990 de créer une ligne entre Singapour et Bangkok », raconte Nicolas Pillet, directeur général de l’Eastern & Oriental Express. Les voitures construites en 1972, ont été achetées aux chemins de fer néo-zélandais puis entièrement rénovées pour plus de 20 millions de dollars. Le 26 septembre 1993, l’Eastern & Oriental Express est mis en circulation.

« On a voulu garder le même esprit qui règne à bord du Venice Simplon-Orient-Express tout en essayant de respecter la culture tropicale et asiatique », précise Nicolas Pillet. L’intérieur est l’œuvre du décorateur français Gérard Gallet. Le style est colonial et boisé : chêne, teck, érable ou bois de rose ornent les cabines. L’éclairage tamisé. « Tout cela contribue au rêve », explique le directeur de l’Eastern & Oriental Express pour qui « une fois à bord, on est transporté dans le passé pour un voyage hors du temps ». Et comme pour renforcer cette impression, les passagers sont invités à s’habiller élégamment –robe de soirée pour les femmes et costume ou smoking pour les hommes- pour un dîner au service soigné dans l’un des deux wagons-restaurants.

C’est d’ailleurs un autre Français qui est en cuisine. Le chef Yannis Martineau est un habitué des espaces réduits. Avant de rejoindre l’Eastern & Oriental Express, il travaillait à bord du train Londres-Paris-Venise. Sa cuisine essentiellement française, est agrémentée d’épices lorsque le train traverse la Malaisie et se pare d’une touche « thaï », une fois passée la frontière.

La rame compte une voiture piano-bar, une voiture salon-bibliothèque ainsi qu’une plateforme en deck pour apprécier le paysage à l’arrière. Le train peut accueillir jusqu’à 132 passagers répartis dans 14 wagons-lits, avec des couchettes individuelles, superposées ou côte-à-côte. En fonction du taux de remplissage des cabines, on dénombre à bord entre quarante et soixante membres d’équipage attentionnés. Il faut dire que le prix de ce séjour est d’environ 2.000 euros par personne minimum.

Pour en savoir plus, embarquez à bord de l’Eastern & Oriental Express.

Methode de Singapour

Jean-Michel Jamet est professeur des écoles au CP et CE1 en Bretagne. Depuis 5 ans, il enseigne les mathématiques en utilisant la méthode de Singapour. 

En quoi consiste la méthode de Singapour ?

La méthode de Singapour aborde chaque notion mathématique en suivant trois étapes. D’abord l’étape concrète grâce à laquelle l’élève va rapidement se faire une idée de la notion abordée à l’aide d’objets concrets, manipulés et de mises en situation. Vient ensuite l’étape de la représentation imagée qui est une étape intermédiaire propre à cette méthode et qui permet à l’élève de représenter visuellement la notion travaillée à l’écrit, au tableau par exemple. La dernière étape est dite abstraite et introduit enfin les chiffres et les symboles mathématiques. La grande force de cette méthode est sa progressivité. L’élève avance pas à pas et travaille longtemps la même notion, ce qui donne aux enfants en difficultés plus de chance d’assimiler la leçon.

La méthode de Singapour s’appelle aussi la méthode par modélisation car elle consiste à résoudre les problèmes à l’aide de barres dessinées pour symboliser les quantités connues et inconnues de l’énoncé. C’est une méthode efficace pour résoudre la quasi-totalité des problèmes du primaire et du collège. Elle permet à l’élève de prendre le temps de comprendre le problème avant de s’empresser à le calculer.

Pourquoi est-elle née à Singapour ?

Dans les années 1975, des évaluations internationales ont révélé que 25% des élèves singapouriens n’avaient pas acquis les compétences de base en mathématiques. A titre indicatif, 30% des élèves en France n’ont pas acquis ces mêmes compétences en 2013. Le gouvernement singapourien s’est donc fixé comme objectif de relever le niveau. Au sein du ministère de l’Education nationale, un groupe de didacticiens (pédagogues spécialisés dans une discipline, en l’occurrence les mathématiques, ndlr) en partenariat avec des établissements scolaires et des conseillers pédagogiques, a donc mis au point cette méthode dans les années 1990. L’idée était pour eux de créer des outils très performants capables d’améliorer rapidement le niveau des élèves en mathématiques. Entre 1990 et 2003, Singapour arrive en tête trois fois de suite des évaluations internationales dans des domaines aussi difficiles que les fractions, le calcul et la résolution de problèmes. On a donc pu vérifier l’efficacité de cette méthode. Dès 2003, un comité international s’est intéressé à cette démarche qui s’est ensuite exportée essentiellement en Asie, aujourd’hui en tête des classements, et aux Etats-Unis.

Au vu de ses bons résultats, pour quelles raisons la méthode de Singapour n’est-elle pas davantage enseignée en France ?

Environ 1000 classes en France utilisent la méthode de Singapour pour l’apprentissage des mathématiques. Nous sommes en France dans un système éducatif très francophone, qui se méfie de ce qui vient de l’étranger et surtout de ce qui vient des Anglo-saxons.

La méthode de Singapour, bien que traduite en français, n’est pas en adéquation avec nos programmes scolaires. Par exemple, les Singapouriens apprennent dans le même temps l’addition et la soustraction car ces opérations sont complémentaires. Mais pour les Français, celles-ci sont enseignées séparément. En Asie, les élèves ont aussi plus d’heures de mathématiques par semaine.

D’autre part, certains inspecteurs d’académie peuvent ne pas apprécier le fait que les enseignants, en choisissant d’appliquer la méthode de Singapour -comme ils sont libres de le faire depuis 2005- n’exécutent pas l’intégralité du programme de mathématiques prévu. Car, en effet, la méthode de Singapour est pauvre et basique en matière de géométrie et nécessite une remédiation pédagogique pour les professeurs en France. La France cultive l’excellence en matière de tracé. Dans la méthode de Singapour, il n’est pas exigé qu’un élève de 7 ans sache tracer un rectangle, un carré ou un triangle rectangle alors qu’au même âge, un élève français sait déjà se servir d’une règle et d’une équerre.

Adopter cet outil suppose enfin tout un travail d’équipe entre les enseignants de niveaux différents afin qu’il y ait un suivi dans la méthode. Il est donc préférable que ce soit toute l’école qui décide d’appliquer la méthode de Singapour et non un seul enseignant isolé.

Marina Bay Sand

L’hôtel Marina Bay Sands vu des jardins de Gardens by the bay. ©Colombe Prins

Consultante en Feng Shui depuis 2010, Claire Saint-Jean a toujours été passionnée par cet art chinois. En 2013, elle s’installe à Singapour et s’intéresse de plus près à l’architecture de la Cité-Etat.

 

D’abord qu’est-ce que le Feng Shui ?

Littéralement, « Feng » signifie vent et « Shui » eau. Pour les habitants de la Chine ancienne, ces éléments naturels matérialisaient l’énergie du ciel et de la terre. En mouvement, cette énergie est bénéfique. Excessive ou stagnante, elle peut devenir négative. Le Feng Shui est un art millénaire, taoïste, au même titre que la médecine traditionnelle chinoise ou l’acupuncture. Il peut être considéré comme une médecine de l’habitat visant à harmoniser l’énergie environnementale d’un lieu de manière à favoriser la santé, le bien-être et la prospérité de ses occupants. Le Feng Shui vise ainsi à agencer les habitations en fonction des flux visibles -les cours d’eau- et invisibles -les vents- pour obtenir un équilibre des forces et une circulation de l’énergie environnante : le « Qi »  (prononcé « chi »).

 

D’un point de vue architectural, Singapour est-elle une ville construite selon les principes du Feng Shui ? 

On peut dire que les constructions les plus récentes font appel aux principes du Feng Shui comme Marina Barrage ou Suntec City et sa « fontaine de la richesse ». D’autres, comme le Fullerton Hotel, ont été rénovées selon des principes Feng Shui. Mais par exemple, il n’y a pas de consensus autour du Marina Bay Sands, les avis des maîtres Feng Shui singapouriens divergent notamment au sujet de la piscine posée sur le toit de l’hôtel qui, pour certains, constituerait de l’eau en suspension en haut d’un bâtiment. Pour ma part, je pense que le Marina Bay Sands est une construction auspicieuse car sa forme peut faire penser à une porte ou à une montagne qui protège le quartier financier et amène richesse et prospérité.

Quels sont les endroits les plus Feng Shui de Singapour ? Et pour quelles raisons ?

On ne peut jamais dire d’un endroit qu’il est Feng Shui ou qu’il ne l’est pas car il n’y a pas d’absolu en Feng Shui. Tout est toujours en mouvement et suit le rythme des saisons et des astres. Le Feng Shui est intimement lié à la fois à un lieu et à un temps donné : un lieu peut avoir une énergie « Qi » bénéfique pendant une certaine période de temps et ensuite passer dans une configuration moins bénéfique. Le seul contre-exemple à avoir résisté au temps est celui de la Cité Interdite à Pékin. Mais l’un des endroits les plus Feng Shui à Singapour est sans doute la Marina, avec le ArtScience Museum en forme de fleur de lotus qui peut aussi représenter une main ouverte, les trois dômes du centre commercial The Shoppes dont la forme rappelle la carapace de la tortue -un animal symbolique du Feng Shui- et le Marina Bay Sands, gardien protecteur de Singapour.

A l’inverse, existe-t-il des constructions non Feng Shui ?

Oui, les Gateway buildings sont un exemple remarquable de construction non Feng Shui. Situés en face de Parkview Square, près de la station de métro Bugis, ce sont des bâtiments dont les angles évoquent fortement des lames de rasoir. Pas besoin d’avoir étudié le Feng Shui pour remarquer tout de suite la forme pointue et agressive des angles des bâtiments, qui peuvent aussi faire penser à des flèches. Ce qu’en Feng Shui on nomme le « Sha Qi », qui peut être traduit par « Qi néfaste ». Personne n’aurait envie de se mettre face à une flèche ou une lame de rasoir, à une quelconque arme pointue ! Wheelock place est considéré également comme un autre bâtiment non Feng Shui à Singapour, non propice à la prospérité financière des commerces qui y ont élu résidence.

Pour les Singapouriens, le Feng Shui est-il une réalité quotidienne qu’ils appliquent et pratiquent ?

J’ai rencontré beaucoup de Singapouriens qui ne connaissaient pas ou peu le Feng Shui malgré leurs origines chinoises, et pour lesquels cela relevait de la superstition et des croyances qui ne peuvent être acceptées et aller de pair avec leur religion. A l’inverse, d’autres sont de fervents adeptes et allient une connaissance approfondie de l’astrologie chinoise aux principes du Feng Shui pour s’assurer harmonie et prospérité. Il y a aussi beaucoup de Feng Shui « folklorique » avec l’utilisation de nombreux objets censés apporter la bonne fortune.

Selon vous, Singapour est-elle une ville où il fait bon vivre ?

Pour moi, Singapour donne en apparence l’impression d’une ville construite pour assurer sa réussite économique et sa prospérité matérielle. Les réseaux de circulation (routes, transports) fonctionnent bien et favorisent la fluidité des échanges, comme les artères du corps humain favorisent le transport du sang. Le décor est plaisant et semble Feng Shui. Mais si l’on regarde de plus près, le mode de vie singapourien consiste à travailler dans des tours élevées, à déjeuner dans des food courts en sous-sol, à passer ses week-ends enfermé dans des centres commerciaux et à vivre en hauteur dans des HDB ou des condominiums. Je trouve cela assez déshumanisant parce que plus vous vivez haut et plus vous êtes déconnecté de la terre dont vous ne recevez plus l’énergie. L’être humain a toujours besoin d’un équilibre entre les énergies contraires et complémentaires du ciel et de la terre. Nous sommes faits pour être exposés à l’environnement naturel, c’est-à-dire à la lumière du soleil, au vent, à la pluie… A Singapour, je trouve qu’on est assez coupé de notre base, la nature. Moi, j’ai par exemple besoin très régulièrement d’aller me ressourcer au réservoir Mac Ritchie ou au parc du Botanic Gardens, mais que je trouve déjà un peu trop civilisé…

Pour en savoir plus sur Claire Saint-Jean:

http://bodyhometherapy.com

Emmanuel Brouillet, fondateur et directeur de The French Bookshop. ©Colombe Prins

Emmanuel Brouillet, fondateur et directeur de The French Bookshop. ©Colombe Prins

C’est au numéro 55 de la rue Tiong Bahru, que se niche au fond d’un étroit couloir, une librairie française. Le bâtiment blanc, haut de quelques étages seulement comme toutes les autres constructions de « l’estate » – centre de Tiong Bahru- date de 1936. « C’est la première cité HLM que les Britanniques ont créée pour décongestionner Chinatown », raconte Emmanuel Brouillet, le fondateur de The French Bookshop.

Le quartier ressemble à un petit village d’ailleurs réputé pour son marché aux poissons, sa célèbre boulangerie française et plein d’autres charmants magasins d’artistes et de designers.

La librairie aussi est authentique. Au sol, les tommettes bleues et grises sont d’origine. « Le magasin se trouve dans une ancienne cuisine et j’ai du faire enlever l’évier lorsque nous nous y sommes installés il y a trois ans », poursuit le français originaire du sud-ouest.

Des polars et des livres d’histoire

Aujourd’hui, les casseroles ont donc cédé leur place aux 6.000 ouvrages que compte la librairie. Et il y en a pour tous les goûts et tous les âges. « J’ai essayé d’équilibrer pour représenter les différents genres de la littérature, explique le directeur. Nous avons des romans policiers, de la science-fiction, des livres pour les adolescents et les enfants, des livres d’histoire, de cuisine, des guides de voyage ainsi que de la littérature générale avec des auteurs de diverses nationalités -française, américaine, anglaise, espagnole, italienne mais aussi du Moyen-Orient et de l’Asie. »

Passionné de polars et d’histoire, cet amoureux des livres a presque lu tous les ouvrages mis en rayon. « Ici c’est un peu le prolongement de ma bibliothèque personnelle. Tous les livres que j’ai aimés doivent y être et dès que je vends un livre qui m’a plu, je le commande à nouveau », ajoute-t-il.

C’est donc par amour du livre que Emmanuel Brouillet décide de créer The French Bookshop en 2009, d’abord à Chinatown puis à Turf City. Il y passe tous ses week-ends à classer, passer les commandes et assurer les tâches administratives. Car la semaine, le français de 50 ans est directeur financier d’une entreprise française.

50kg de livres commandés chaque mois

Aujourd’hui, la librairie est confrontée à un problème d’espace. Les livres prennent de la place, surtout lorsque tous les mois pour réduire les frais de port, ils arrivent par colis de 50kg. Les cartons remplis d’ouvrages s’empilent donc dans l’arrière-boutique, mais les nouveautés sont en rayon.

La clientèle est certes essentiellement française mais environ 10% d’entre elle est singapourienne prête à se lancer dans l’apprentissage ou l’approfondissement du français.